Imaginez, vous êtes né en 1870, vous êtes Allemand, 20 ans plus tard, sans avoir bougé de chez vous, vous devenez français. En 1940, vous redevenez allemand, cinq ans après, re-français. Votre identité change 5 fois en 75 ans. Vos enfants ne parlent pas la même langue que leurs grands-parents. Votre ville change de drapeau comme on change de chemise. Bienvenue à Colmar. Cette ville alsacienne qui ressemble plus à un village bavarois qu'à une ville française. Colmar a une histoire absolument fascinante. Une histoire de frontières, de guerres, d'identités déchirées et de résilience extraordinaire. Je vais vous raconter la vraie histoire de Colmar, vous faire découvrir pourquoi ces maisons à colombages ne sont pas juste jolies, mais sont des monuments de résistance. Et vous allez apprendre des expressions et des mots que vous entendrez partout en Alsace. Pour comprendre Colmar, il faut d'abord comprendre l'Alsace. Et pour comprendre l'Alsace, il faut remonter en 1648, au traité de Westphalie. En 1648, après une guerre terrible qui a duré 30 ans, oui 30 ans, la France et le Saint-Empire romain germanique signent le traité de Westphalie. Et dans ce traité, l'Alsace est rattaché à la France. Mais il y a un problème. Les Alsaciens ne parlent pas français.
Ils parlent alsacien, qui est un dialect germanique proche de l'allemand. Un dialect, c'est une variante régionale d'une langue. Par exemple, le québécois est un dialect du français. Donc, pendant plus de 200 ans, l'Alsace est française sur le papier, mais allemande dans l'âme. Les gens parlent alsacien, ils mangent de la choucroute, ils boivent de la bière, mais ils paient leurs impôts à Paris. Et c'est une identité hybride. Puis, en 1870, la guerre éclate entre la France et la Prusse. C'est une guerre rapide, brutale, qui est humiliante pour la France. La France perd et dans le traité de Francfort, en 1871, la France doit céder l'Alsace et une partie de la Lorraine à l'Allemagne. On va dire que l'Alsace est annexée par l'Allemagne. Annexée, c'est quand un pays prend le contrôle d'un territoire qui appartenait à un autre pays. Et souvent, ça se fait par la force. Et là, imaginez la situation des Alsaciens. Ils doivent choisir: rester en Alsace et devenir allemands ou partir en France et tout abandonner. Leur maison, leur commerce, leur vie. 50 000 personnes partent, 50 000, ils vont tout quitter. Ceux qui restent doivent apprendre l'allemand. Les panneaux changent de langue.
L'administration devient allemande. Les enfants vont à l'école allemande. C'est une situation qui déchire le cœur, qui brise les familles. En 1918, après quatre ans de guerre, après la Première Guerre mondiale, l'Allemagne perd. L'alsace redevient française. Et imaginez un peu la scène. Les soldats français arrivent à Colmar. Les gens sortent dans les rues, ils pleurent de joie, ils accrochent des drapeaux français partout dans la rue. On pense que c'est fini, que l'Alsace est française pour toujours. Mais 22 ans plus tard, 1940, l'Allemagne nazie envahit la France. En quelques semaines, la France s'effondre et l'Alsace annexée, encore. Mais cette fois, c'est différent. Cette fois, c'est brutal. Les nazis veulent germaniser l'Alsace. Ils interdisent le français. Ils changent les noms de famille français en noms allemands. Ils enrôlent les jeunes Alsaciens de force dans l' l'Armée allemande et ces Alsaciens, on les appelle les malgré nous. C'est comme ça qu'on appelle les jeunes hommes alsaciens qui ont dû combattre dans l'armée allemande, malgré eux, contre leur volonté Ces malgré nous ont vécu un drame, combattre pour un pays qu'ils détestent contre un pays qu'ils aiment. En 1945, l'Alsace est libérée. Elle redevient française, cette fois définitivement. Et après tout ça, qu'est-ce que ça donne ?
Eh bien une identité alsacienne qui est unique au monde. Et les Alsaciens sont français, ça oui, mais ils sont aussi profondément alsaciens. Ils parlent toujours le dialect alsacien à la maison. Ils mangent de la choucroute et du Kougelhopf. Et leurs villes ressemblent à des villages bavarois. Et ils sont fiers de cette identité hybride. Maintenant, parlons de ce qui fait le charme visuel de Colmar, les maisons à colombages. Mais avant ça, si vous voulez vraiment comprendre l'Alsace et pouvoir parler avec les locaux, j'ai créé un guide gratuit avec dix expressions alsaciennes authentiques expliquées en contexte avec l'audio. Le guide va vous aider à enrichir votre vocabulaire et mieux comprendre les Français quand vous voyagez. Le lien est dans la description, juste en dessous de la vidéo. Téléchargez-le gratuitement et maintenant, reparlons d'architecture. Quand on se balade à Colmar, on voit des maisons magnifiques, colorées, avec ces structures typiques en bois en forme de X, Y, des triangles. On se dit: C'est joli, c'est photogénique, c'est pittoresque. Et ces maisons racontent une histoire. Commençons d'abord par le vocabulaire à maîtriser. Les colombages, et donc les maisons à colombages, c'est le nom qu'on donne à ces maisons avec une structure en bois.
On dit aussi maison à pans de bois. Un pan, c'est un panneau, une section. Donc, pan de bois, c'est section de bois. Et pourquoi ces maisons existent ? Eh bien au Moyen Âge, les bâtisseurs alsaciens ont un problème. Ils n'ont pas de pierres. L'alsace n'a pas de carrière de pierres comme la Bourgogne ou la Provence. Mais ils ont quelque chose d'autre. Des forêts. Et des forêts immenses, pleines de chênes, de hêtres, de sapins. Alors, ils inventent un système. Ils construisent une ossature en bois, une structure, un squelette et ils remplissent les espaces avec de l'argile, de la terre, de la paille. Et ces pans de bois que vous voyez en forme de X et de Y, ils ne sont pas là pour décorer, Ils servent à répartir le poids de la maison. Quand vous construisez en hauteur avec de l'argile et du bois, si vous ne répartissez pas bien le poids, la maison s'effondre. Donc, c'est X, c'est Y, c'est triangle, c'est de l'ingénierie médiévale brillante. Maintenant, parlons des couleurs. Au Moyen Âge, il n'y avait pas Google Maps. Il n'y avait pas de panneau avec écrit boulangerie, forgeron, boucherie. Alors, comment savoir où aller ? Eh bien, grâce aux couleurs des façades.
Chaque couleur indiquait un métier. Le bleu pour les métiers du bois comme charpentier, menuisier. Le vert pour les métiers du cuir et du tissu comme cordonnier ou tisserand. Le rouge pour les métiers du fer comme le forgeron. Et le jaune pour les métiers du pain comme le boulanger. C'était un système de signalisation sociale avant les panneaux. Vous cherchez un boulanger, par exemple, cherchez une maison jaune, Vous avez besoin d'un forgeron, cherchez une maison rouge, c'est simple et efficace. Maintenant, je vais vous raconter quelque chose de fascinant. Vous voyez comment les étages supérieurs dépassent. Comment ils sont plus larges que le rez-de-chaussée ? Ce n'est pas juste architectural, c'est une astuce fiscale. Au Moyen Âge, les taxes foncières étaient calculées sur la surface au sol, pas sur la surface totale de la maison. Donc, si votre rez-de-chaussée fait 50 mètres carrés, vous payez des taxes sur 50 mètres carrés. Mais si votre premier étage fait 70 mètres carrés grâce à l'encorbellement, vous ne payez pas plus. Et ça, c'est de l'optimisation fiscale à l'époque médiévale. Et les riches propriétaires du XVIIe siècle ajoutaient aussi des oriels. Ce sont ces petites avancées sur les façades comme des balcons fermés.
Le principe est le même: ça agrandit la maison sans augmenter les taxes. C'est malin, non ? Mais j'ai une mauvaise nouvelle à vous annoncer. Ces maisons magnifiques qui ont survécu à des guerres, à des occupations, à des changements de pays, elles sont en danger. Depuis les années 1970, environ 300 maisons à colombages sont détruites chaque année en Alsace. Pourquoi ? Parce qu'elles sont jugées trop sombres, trop petites, trop chères à rénover ou à entretenir. Et aujourd'hui, il ne reste que 15% des maisons à colombages originales. 15%, donc sur 100 maisons qui existaient en 1900, il n'en reste que 15. Maintenant, on va se balader dans un des quartiers les plus photogéniques de Colmar, un quartier qui s'appelle la Petite Venise. Pourquoi ce nom ? Parce qu'il est traversé par des canaux qui sont pittoresques. Sur les côtés, vous avez les maisons colorées qui se reflètent dans l'eau et vous avez des barques qui glissent doucement. Un cadre idyllique qui rappelle justement la ville italienne de Venise. Mais ce n'était pas toujours romantique parce que l'histoire de ce quartier, à l'origine, était totalement différente. C'était pas pour les touristes en barque, c'était une zone de culture de légumes.
Les maraîchers, donc les gens qui cultivent et vendent des légumes, utilisaient ces canaux pour transportaient leurs récoltes. Ils mettaient leurs légumes dans des barques à fond plat et les amenaient jusqu'au quai de la poissonnerie où se tenait le marché. Pourquoi à fond plat ? Parce que les canaux ne sont pas très profonds et un bateau normal avec une coque arrondie toucherait le fond. Aujourd'hui, ces barques servent aux balades touristiques. C'est romantique, c'est charmant, super ambiance. Historiquement, ce quartier était aussi habité par les tanneurs, donc les artisans, qui transformaient les peaux d'animaux en cuir. Pourquoi les tanneurs s'installaient près des canaux ? Parce parce que leur métier nécessitait beaucoup d'eau et produisait des odeurs un peu terribles. Donc, on les mettait à l'écart, près de l'eau. Maintenant, parlons de quelque chose qui rend Colmar absolument magique en hiver, ce sont les marchés de Noël. Quelques chiffres impressionnants. À Colmar, ce ne sont pas un ni deux, mais six marchés de Noël différents qui s'installent chaque année, du 26 novembre au 29 décembre. Au total, environ 200 stands et l'événement attire un million de visiteurs et génère 100 millions d'euros de retombées économiques. À Colmar, on se réchauffe généralement avec un verre de vin chaud à la cannelle.
C'est du vin rouge chauffé avec de la cannelle, des épices. Et pour les enfants ou ceux qui ne boivent pas d'alcool, un jus de pomme chaud. Et si vous avez faim, pas de problème. Vous pouvez prendre une barquette de choucroute saucisse. La choucroute, c'est du chou fermenté. Ça peut paraître bizarre, mais c'est très, très bon. C'est délicieux, surtout avec une saucisse fumée, du lard et des pommes de terre. Ou alors, vous pouvez prendre une tarte flambée qu'on appelle la Flamekueche. Une pâte très fine avec de la crème fraîche, des oignons, des lardons. Elle est cuite au feu de bois, c'est croustillant, c'est parfait. J'en salive rien qu'en parlant. Il faut aussi goûter les spatzle, donc ce sont des pâtes alsaciennes, un peu comme les gnocchis, mais un peu plus irrégulières. Vous avez donc le kougelhopf. C'est un gâteau brioché avec des raisins secs et des allemandes, et le berawecka. C'est le gâteau de Noël alsacien qui est fait avec des fruits secs. Et pour la petite anecdote, les restaurants traditionnels en Alsace, on appelle ça des Winstub. L'intérieur est en bois, vous avez les nappes à carreaux et une ambiance chaleureuse, une décoration rustique et bien sûr, on y mange la cuisine régionale dans une ambiance conviviale.
Et vous pouvez accompagner votre repas d'un vin d'Alsace comme le Riesling ou le Gewurztraminer. Et Colmar porte d'ailleurs le surnom de Capitale des Vins d'Alsace. Maintenant, je vais vous raconter une histoire que très peu de gens connaissent. Une histoire qui relie cette petite ville alsacienne à New York. On est en 1886, à New York. Des milliers de personnes sont massées dans le port. Elles regardent vers le ciel. Une femme géante de 93 mètres se dresse devant elle. Une torche dans la main droite, une tablette dans la gauche. Je parle bien sûr de la Statue de la Liberté. Et aujourd'hui, c'est l'un des monuments les plus célèbres au monde. Des millions de touristes la visitent chaque année. Mais voici la question que personne ne pose. Qui l'a créé et pourquoi ? Eh bien il faut revenir en arrière, en 1834, à Colmar, un bébé naît dans une maison à Colombages, de la rue des Marchands. Il s'appelle August Bartholdi. Il grandit en Alsace, il dessine, il sculpte, il rêve de monuments gigantesques. À 20 ans, il part à Paris étudier la sculpture, puis il voyage : l'Égypte, l'Arabie, le Yémen. Et en Égypte, devant les pyramides, devant les colosses de même nom, il a une révélation: Je veux créer quelque chose de colossal, quelque chose qui marque l'histoire.
1865, Paris, dans un salon, un juriste français, Édouard de Laboulaye, discute avec des amis. Il dit : Nous devrions offrir un cadeau aux États-Unis pour célébrer l'abolition de l'esclavage, pour symboliser notre amitié. Quelqu'un répond: Un cadeau ? Genre quoi ? Laboulaye sourit : Une statue, une grande statue. Et là, quelqu'un pense à Bartholdi. On lui commande le projet et Bartholdi ne fait pas les choses à moitié. Il propose une femme de 93 mètres en cuivre avec une torche et le projet prend 21 ans. La statue est construite en France, puis démontée en 350 pièces, transportée par bateau jusqu'à New York, et le 28 octobre 1886, elle est inaugurée. Aujourd'hui, c'est l'un des symboles les plus puissants de la liberté, de l'immigration et de l'espoir. Et tout ça parce qu'un petit gars d'Alsace, né dans une maison à Colombages, à Colmar, à rêver en grand. Voilà, nous avons fait le tour de Colmar, un petit tour de son histoire déchirante, de son architecture unique, de ses traditions. J'espère que vous comprenez maintenant pourquoi Colmar n'est pas qu'une jolie petite ville touristique, mais c'est une ville qui a survécu. Une ville qui a gardé son identité malgré cinq changements de nationalité en 75 ans.
N'oubliez pas, si vous voulez vraiment comprendre l'Alsace et pouvoir échanger avec les locaux, j'ai créé un guide spécial pour vous, totalement gratuit, avec 10 expressions alsaciennes authentiques. Ce n'est pas juste une liste de mots. Chaque expression est expliquée en contexte avec des exemples et l'audio. Le lien est dans la description. Téléchargez-le maintenant, ça va transformer votre expérience en Alsace. Maintenant, dites-moi, avez-vous déjà visité Colmar ? Et si oui, qu'est-ce que vous en avez pensé ? Dites-moi dans les commentaires. Je lis tous les commentaires et je réponds personnellement. Et si cette vidéo vous a plu et que vous souhaitez découvrir une autre ville française fascinante, regardez cette vidéo sur la ville de Nice, parce que vous allez comprendre quelque chose de fou. Nice n'est française que depuis 1860. Avant, elle était italienne. Bref, je raconte ça dans cette vidéo. Allez-y, regardez-la. Croyez-moi, après Colmar, vous allez adorer Nice. Merci beaucoup d'avoir regardé cette vidéo jusqu'au bout. Je vous dis à très bientôt pour une nouvelle exploration culturelle. C'était Charles. Ciao.