Aujourd'hui, je vais vous raconter une histoire qui va sûrement vous surprendre. Savez-vous quelle est la plus ancienne entreprise de France encore en activité ? Alors ce n'est pas LVMH, ce n'est pas Renault ou Peugeot, c'est Saint-Gobain. Tu connais ? C'est une entreprise française qui existe depuis 1665, donc depuis plus de 350 ans. Alors, imaginez, cette entreprise existait déjà quand Louis XIV construisait Versailles. Et son histoire, c'est un véritable roman d'aventure que je vais vous raconter aujourd'hui. Il y a du vol de secret industriel, il y a de l'espionnage international, il y a des guerres commerciales, c'est passionnant. Et il y a même de la séduction et des femmes jalouses. Et tout ça pour du verre. Car ces miroirs que vous avez chez vous, les vitres de votre voiture, les matériaux de votre maison, il y a de fortes chances que Saint-Gobain soit impliqué quelque part. Et aujourd'hui, on va voyager de Versailles à la Révolution française en passant par les nationalisations de Mitterrand. Donc, préparez-vous. C'est l'histoire de Saint-Gobain, l'histoire de la France en miniature. Avant de poursuivre, Si ce n'est pas encore fait et si tu souhaites vraiment être plus à l'aise en français, je t'invite à télécharger mes sept histoires culturelles.
Le lien est dans la description. Des centaines d'élèves les utilisent toutes les semaines pour progresser naturellement en français. Le lien est dans la description. On est en 1665, à Paris. Louis XIV règne depuis maintenant 22 ans. Et la France devient la puissance dominante de l'Europe. Le roi s'entoure de ministres brillants, notamment Jean-Baptiste Colbert, qui est son contrôleur général des finances. Et Colbert, il a une obsession. Il veut développer l'industrie française et réduire les importations. Aujourd'hui, on pourrait dire qu'il était un fervent supporter du made in France. À cette époque, il y a un objet qui fait fureur dans les châteaux, c'est les miroirs. Les aristocrates adorent ces glaces, comme on les appelle à cette époque. Dans les châteaux, on crée même des cabinets de miroirs. Ce sont des pièces entièrement tapissées de glace pour agrandir l'espace. Mais il y a un problème: tous ces miroirs viennent de Venise. L'italie a le monopole de cette technologie et ça, ça énerve profondément Colbert. Pourquoi acheter à l'étranger ce qu'on pourrait fabriquer en France ? Les statistiques des douanes sont claires. Elles montrent que la France importe beaucoup de miroirs vénitiens. Et ce sont des produits de luxe très chers, très coûteux, qui fo nt sortir de l'argent du royaume.
Le 18 octobre 1665, Louis XIV signe des lettres patentes. C'est en gros une ou des autorisations officielles pour créer une manufacture française de glaces et miroirs. Il y a juste un petit détail: personne en France ne sait comment faire. Et c'est là qu'ils vont mettre en place le premier espionnage industriel de l'histoire. Comme je le disais, les secrets de fabrication de ces miroirs sont gardés à Venise, sur l'île de Murano. Et les souffleurs de verre vénitiens sont surveillés comme si c'étaient des prisonniers. Ils n'ont pas le droit de quitter la ville sous peine de mort. C'est chaud. Pour Colbert, ce n'est pas un problème. Il va organiser un grand espionnage et c'est une opération digne d'un film à la James Bond. Des agents français infiltrent Venise. Ils vont soudoyer des responsables et réussissent à convaincre plusieurs maîtres verriers de venir secrètement à Paris. En échange, des salaires énormes pour l'époque et la promesse d'une nouvelle vie en France. Vingt ouvriers vénitiens arrivent discrètement à Paris et s'installent dans le faubourg Saint-Antoine. Ils commencent alors à enseigner leur technique aux Français, mais l'histoire va tourner au Vaudeville. D'abord, ces ouvriers vénitiens ne sont pas les meilleurs.
Ensuite, ils ont laissé leurs épouses à Venise et leurs femmes commencent à avoir des soupçons. Elles entendent des rumeurs sur la vie parisienne de leur mari. Apparemment, les courtisanes du faubourg Saint-Antoine sont plutôt... Vous comprenez ? Donc, l'affaire tourne au scandale conjugal international. Les épouses vénitiennes font pression pour que leurs maris rentrent. Et en plus, ces ouvriers deviennent de plus en plus exigeants sur leur salaire. En 1667, après seulement deux ans, Colbert en a assez. Il dit aux Vénitiens: Bon, messieurs, si vous n'êtes pas content, repartez chez vous. Et c'est exactement ce qu'il se passe. L'opération se termine par un échec retentissant. Heureusement pour la France, un homme va sauver la situation. Il s'appelle Louis Lucas de Néou, c'est un normand, et il possède déjà une petite glacerie à Tour la ville, juste à côté de Cherbourg. Et surtout, il a inventé une technique révolutionnaire. Au lieu de souffler le verre à la bouche, ce qui limite la taille des miroirs, ce monsieur développe ce qu'on appelle le coulage sur table de métal. En gros, on verse le verre en fusion sur une grande table métallique pour obtenir des plaques de verre parfaitement plates et de grande taille. Cette invention va dominer l'industrie du verre pendant plus de deux siècles.
Un accord se met en place, on fabrique le verre en Normandie, puis on le transporte à Paris pour le transformer et le vendre. Mais les choses se compliquent. Une deuxième compagnie s'installe à Saint-Gobain, un petit village de Picardy. Alors, vous allez me dire: eh Charles, pourquoi là-bas ? Parce que ce village est entouré d'une forêt immense. Et une forêt, c'est parfait pour alimenter les fours en bois. Évidemment, les deux compagnies françaises se font concurrence. En théorie, elles se partagent le marché. Une fait les grandes glaces, l'autre continue le soufflage traditionnel. En pratique, c'est une guerre commerciale. Résultat, les deux entreprises perdent de l'argent et en 1695, on décide de les fusionner. Et c'est la naissance de la compagnie de Saint-Gobain. Enfin, presque. Car elle prendra ce nom qu'au siècle suivant. Au XVIIIe siècle, la manufacture connaît un développement extraordinaire parce qu'il y a une explosion du marché des miroirs. D'abord, les miroirs se démocratisent. Ce qui était alors réservé aux personnes très riches devient accessible aux classes moyennes. Puis, arrive Versailles, la Galerie des Glaces, qui est inaugurée en 1684, et ça devient la vitrine mondiale du savoir-faire français. Alors je sais pas si vous l'avez déjà visité, mais cette galerie, c'est quand même 73 mètres de long, 17 arcades avec 357 miroirs qui reflètent les jardins du château.
Donc c'est un coup de génie architectural, commercial, et cette réussite fait de Saint-Gobain le fournisseur officiel de l'aristocratie européenne. Les commandes affluent de toute l'Europe, l'entreprise emploie des centaines d'ouvriers et devient l'une des plus importantes manufactures du royaume. Mais, il y a toujours un mais, cette prospérité va bientôt être menacée. Bouh 1789, c'est la révolution française. Pour Saint-Gobain, c'est un séisme. Finis les privilèges royaux, l'entreprise perd son monopole et pire encore, la clientèle aristocratique disparaît. Donc, beaucoup de nobles émigrent ou alors sont exécutés. L'entreprise doit se réinventer ou alors c'est la fin. Et c'est alors qu'arrive une révolution technologique. Jusqu'ici, Pour faire du verre, on utilisait de la soude qu'on importait de très loin d'Espagne ou d'Égypte. Mais des chimistes développent un procédé de fabrication artificiel de la soude. Et Saint-gobain se lance dans la chimie. L'entreprise commence à fabriquer son propre acide sulfurique pour ses propres besoins, puis commence à vendre le surplus. Et c'est alors que naît une nouvelle activité, c'est la branche chimique. La deuxième moitié du XIXᵉ siècle marque l'entrée de Saint-Gobain dans l'ère industrielle moderne. Les machines remplacent progressivement le travail artisanal. L'urbanisation offre de nouveaux débouchés. Il faut construire des gares.
Il y a des grands magasins avec des vitrines. Il y a des musées avec des toits en verre. Bref, il y a du business et il y a l'Exposition Universelle de 1889 à Paris. C'est là que Saint-Gobain réalise l'immense verrière de la Galerie des machines. Qui va même rivaliser avec la Tour Eiffel comme attraction principale. En 1902, Saint-Gobain entre en Bourse, puis les 30 Glorieuses, donc les années 1945 à 1975, 1945, 1975, marquent son âge d'or. Ils vont vendre plein de choses, ils vont faire des tours à la Défense, il y a le marché de l'automobile. Et à la fin des années 50, l'entreprise se diversifie de plus en plus dans la pétrochimie. Bref, tout va bien. Mais en 81, François Mitterrand arrive au pouvoir avec un programme de nationalisation. Saint-gobain figure sur la liste. La nationalisation dure quatre ans. Finalement, en 1986, c'est Chirac qui arrive au pouvoir et Saint-Gobain redevient privé. Et là, nouveau coup de génie marketing. Saint-gobain réalise la fameuse pyramide de verre du Louvre. Ça, c'est un symbole parfait de modernité, de tradition française, gros coup de pub. Et aujourd'hui, Saint-Gobain emploie 160 000 personnes dans le monde, réalise 46 milliards d'euros de chiffre d'affaires.
C'est une belle réussite française. L'histoire de Saint-Gobain nous apprend plusieurs choses sur la France, son économie. Alors, d'abord, il y a le côté innovation : ça ne suffit pas, il faut aussi s'adapter en permanence. Ensuite, l'État français a toujours eut un rôle ambivalent avec ses entreprises, soit il est très protecteur, soit il est très contraignants. Voilà, on alterne entre les deux. J'espère que cette histoire vous a plu, que vous avez appris plein de choses, que vous avez amélioré votre compréhension française. Si vous souhaitez continuer, vous pouvez télécharger les sept histoires culturelles totalement gratuites. Le lien est dans la description et c'est le meilleur moyen de continuer à apprendre le français tout en apprenant plus de choses sur la culture française. Maintenant, j'aimerais bien savoir si vous connaissiez Saint-Gobain. Et surtout, est-ce que vous connaissez d'autres entreprises françaises avec une histoire aussi riche ? Dites-moi dans les commentaires si c'est le cas. Je vous souhaite une superbe journée. Amusez-vous bien, profitez bien. C'était Charles. Ciao.