Imaginez un peu cette scène. Nous sommes au Panthéon, à Paris, et dans ce monument majestueux où reposent les grands hommes de France, deux cercueils se font face pour l'éternité. Deux génies qui se détestaient de leur vivant, mais qui aujourd'hui dorment côte à côte. D'un côté, Voltaire, de l'autre Rousseau. Ces deux noms, vous les connaissez sûrement. Mais saviez-vous qu'ils se haïssaient, qu'ils ont passé des années à s'insulter, à se critiquer, à se déchirer. Et aujourd'hui, je vais vous raconter l'histoire de cette rivalité extraordinaire, un duel d'idées qui a façonné notre monde moderne et vous allez voir que leur opposition révèle tout ce qui nous divise encore aujourd'hui. Donc, restez bien jusqu'à la fin pour vraiment comprendre cette rivalité entre Voltaire et Rousseau. Avant de commencer, si vous aimez découvrir la France à travers des histoires culturelles et si vous souhaitez améliorer votre français, n'hésitez pas à télécharger mes sept histoires culturelles. Le lien est dans la description et c'est totalement gratuit. Maintenant, plongeons dans cette histoire fascinante. Pour comprendre cette rivalité, il faut d'abord connaître ces deux personnages. Ils n'auraient pas pu être plus différents. Voltaire, né en 1694 dans une famille bourgeoise parisienne. Son vrai nom: François-Marie Arouet.
Mais il préfère Voltaire, un nom qu'il s'invente pour briller en société. Dès son enfance, c'est un enfant prodige. Il étudie dans les meilleures écoles chez les jésuites. Il est spirituel, charmant. Il sait faire rire et très vite, il devient célèbre. Il fréquente alors les salons parisiens. Il correspond avec les rois d'Europe. C'est une vraie star de son époque. Voltaire aime le luxe, les plaisirs de la vie. Il gagne beaucoup d'argent avec ses pièces de théâtre et ses investissements. Pour lui, le bonheur, c'est vivre confortablement, entouré de ses amis, avec un bon repas et de bonnes conversations. Rousseau, lui, naît 18 ans plus tard, en 1712, à Genève. Son père, un simple horloger. Jean-jacques grandit pauvrement. Il n'a pas de mère, elle meurt quand il naît, et son père l'abandonne quand il a 10 ans. Alors, Rousseau devient un fugueur, un autodidacte. Et pour survivre, il fait tous les métiers: copiste, professeur de musique, valet de chambre, secrétaire, etc. Et attention, Voltaire utilisera souvent ce détail pour l'humilier. Il disait, par exemple: Rousseau n'est qu'un domestique. Et contrairement à Voltaire, Rousseau déteste la vie mondaine. Il préfère la solitude, la nature, la simplicité. Il est timide, mais aussi très fier, trop fier peut-être.
Il se fâche avec tous ses amis, il devient paranoïaque. Vous voyez déjà un peu le problème. En gros, ces deux hommes viennent de mondes complètement opposés. L'un aime le progrès, la société, l'autre critique la civilisation et rêvent de simplicité. La première étincelle, leur premier vrai conflit, éclate en 1750. Cette année-là, l'Académie de Dijon, une institution très respectée, pose une question au public: Les sciences et les les arts ont-ils amélioré ou corrompu les mœurs humaines ? Une question philosophique qui est fascinante. Rousseau décide de participer, mais attention, il choisit la position la plus provocante. Il dit: Non, les sciences et les arts corrompent l'humanité. Dans son discours sur les sciences, et les arts, Rousseau explique sa théorie révolutionnaire. Plus une société devient raffinée, plus elle devient corrompue. Le progrès technique, les arts, le luxe, tout cela éloignent les hommes de leur bonté naturelle. Il va prendre des exemples de l'Antiquité. Par exemple, Sparte. Les spartiate étaient simples, austères et ils étaient vertueux. À l'inverse, Athènes, les Athéliens, aimaient l'art, la philosophie, et leur société était décadente. Ce discours fait scandale et remporte le prix. Rousseau devient alors célèbre du jour au lendemain. Mais imaginez un peu la réaction de Voltaire.
Lui qui adore les sciences, les arts, le progrès technique, Rousseau critique exactement tout ce qu'il défend. Quelques années plus tôt, en 1736, Voltaire avait écrit un poème, Le Mondin. Et dans ce texte, il chante l'éloge du luxe et de la civilisation. Par exemple, on peut lire "J'aime le luxe et même la mollesse, tous les plaisirs, les arts de toute espèce". Pour Voltaire, l'histoire humaine, c'est une marche vers le progrès. Plus nous développons les sciences, les techniques, plus nous sommes heureux et libres. Et c'est deux visions du monde complètement opposé. En 1755, Rousseau publie un second discours encore plus provocant: Le discours sur l'origine et les fondements de l'inégalité parmi les hommes. Cette fois, il attaque directement la propriété privée. Selon lui, le premier homme qui a dit: Ce terrain est à moi et qui l'a entouré d'une clôture, c'est lui le responsable de tous nos malheurs. À l'origine, explique Rousseau, les hommes vivaient dans un état de nature, sans propriété, sans inégalité. Il n'y avait pas de conflit. Mais l'invention de la propriété privée a tout gâché. Elle a créé l'égoïsme, la jalousie, l'exploitation de l'homme par l'homme. Et Rousseau Hugo, envoie ce texte directement à Voltaire.
Et là, le vieux maître n'en peut plus. Dans sa réponse, il écrit avec un humour féroce: On n'a jamais employé tant d'esprit à vouloir nous rendre bêtes. Il prend envie de marcher à quatre pattes quand on lit votre ouvrage. Ouais, vous comprenez un peu l'ironie ? Ici, Voltaire dit: Rousseau veut nous faire revenir à l'état animal, à quatre pattes. Et il ajoute, d'un ton sarcastique: Je vous invite chez moi pour boire le lait de mes vaches et brouter de l'herbe dans mes prés. Rousseau, qui n'a aucun sens de l'humour, prend cette invitation comme une insulte. Il refuse sèchement. La tension monte, mais boum. En novembre 1755, un événement tragique va encore les opposer. C'est le terrible tremblement de terre de Lisbonne. Cette catastrophe fait 100 000 morts. Toute l'Europe est bouleversée. Comment Dieu peut-il permettre une telle tragédie ? Voltaire écrit alors son poème sur le désastre de Lisbonne. Il exprime sa révolte contre l'injustice divine. Comment croire encore que tout est bien dans ce monde ? Le mal existe, il faut l'avouer, 100 000 personnes sont mortes à cause de ce tremblement de terre. C'est un texte pessimiste, mais profondément humain. Et Voltaire souffre avec les victimes, tandis que Rousseau répond par une longue lettre sur la Providence.
Et sa réaction est surprenante. Il va minimiser la responsabilité de Dieu et accuse les victimes elles-mêmes. Selon lui, si tant de gens sont morts, c'est parce qu'ils habitaient dans des maisons qui étaient trop hautes, dans une ville trop dense. Au lieu de fuir, ils ont voulu sauver leur bien matériel et c'est de leur faute. Mais surtout, Rousseau reproche à Voltaire d'enlever tout espoir aux pauvres. Vous, Voltaire, vous êtes riches et célèbre. Vous pouvez vous permettre de ne pas croire en Dieu, mais les humbles, eux, ont besoin de croire en un avenir meilleur dans l'au-delà. C'est un argument qui qui est terrible. Rousseau accuse Voltaire d'égoïsme et d'athéisme. Et à cette époque, c'est très, très dangereux. La rupture finale arrive en 1758. À cause d'une querelle sur le théâtre. Voltaire vit alors près de Genève, la ville natale de Rousseau. Il adore le théâtre et il rêve de construire une salle de spectacles dans la région. Mais Genève, ville protestante très stricte à l'époque, interdit les représentations théâtrales. Alors, Voltaire demande à son ami d'Alembert, le fameux mathématicien de l'Encyclopédie, d'écrire un article pour critiquer cette interdiction. Quand Rousseau lit cet article, il entre alors dans une colère terrible.
Jaloux du succès de Voltaire dans sa propre ville natale, il écrit une lettre sur les spectacles pour défendre l'interdiction du théâtre. Selon Rousseau, le théâtre corrompt les moeurs. Les pièces de théâtre montrent des passions immorales. Les acteurs vivent dans le désordre et surtout, le théâtre encourage l'artifice. Le mensonge, la vanité. Et c'est le comble pour Voltaire, qui lui, est dramaturge, qui a écrit Zahir, Candide, qui fait vivre des centaines d'acteurs et de musiciens. Et il se fait traiter de corrupteur par Rousseau. En juin 1760, Rousseau envoie à Voltaire une lettre déchirante et délirante: Je ne vous aime point, monsieur. Vous m'avez fait les mots qui pouvaient m'être les plus sensibles à moi, votre disciple et votre enthousiaste. Je vous hais, enfin, puisque vous l'avez voulu, mais je vous hais en homme encore plus digne de vous aimer si vous l'aviez voulu. Pah ! Punchline. Et Voltaire en a assez. Et dans un texte anonyme, aujourd'hui plus trop, mais.. "Le sentiment des citoyens", il révèle le secret le plus douloureux de Rousseau: l'abandon de ses cinq enfants à l'orphelinat. On a pitié d'un fou, écrit-il, mais quand la démence devient fureur, on le lit. C'est un homme qui traîne avec lui la malheureuse dont il fit mourir la mère et dont il a exposé les enfants à la porte d'un hôpital.
Cette attaque personnelle est terrible. Rousseau ne s'en remettra jamais. Les deux hommes meurent à quelques mois d'écart en 1778 sans jamais s'être réconciliés. Mais leur opposition a nourri tous les débats de notre époque moderne. D'un côté, on a Voltaire qui nous a légué l'esprit critique, la lutte contre les fanatismes religieux, la défense de la justice. Voltaire, c'est aussi la confiance dans le progrès, dans les sciences, dans les échanges économiques. Et de l'autre côté, on a Rousseau, qui nous a donné les bases de nos démocraties. Le contrat social, c'est le livre de Chevet de tous les révolutionnaires. L'homme naît libre et partout, il est dans les fer. Ça, c'est une phrase qui a inspiré la Révolution française et tous les mouvements d'émancipation. Alors, qui avait raison ? Voltaire ou Rousseau ? Dites-moi dans les commentaires, êtes-vous plus Team Voltaire ou Team Rousseau ? Et essayez de développer, de me dire pourquoi. N'oubliez pas, si vous voulez approfondir votre apprentissage du français, aller plus loin, vous pouvez télécharger mes sept histoires culturelles totalement gratuites pour continuer à améliorer votre français. Et maintenant, quand vous regardez les réseaux sociaux et les nouvelles technologies, est-ce que vous pensez comme Voltaire que c'est un progrès ou plutôt comme Rousseau que ça nous éloigne de notre humanité ?
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